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ses flancs allait le lancer sur l’Europe. Ces hommes, la plupart légers, les Brissot et les Fauchet, disputeurs comme Guadet, aveuglément violents comme Isnard, tous peu capables à coup sûr de diriger la machine, siégeant à la proue, non au gouvernail, n’en faisaient pas moins l’effet de pilotes, revendiquant pour eux-mêmes tout ce qu’allait faire la fatalité. Se décider pour la guerre, si Robespierre l’avait fait, c’était se mettre à leur suite et favoriser sans doute l’illusion publique qui leur en donnait tout l’honneur.

2o Le 5 décembre, la cour, au grand étonnement de tout le monde, reçut des mains des Feuillants, qu’elle haïssait et méprisait bien plus que les Jacobins, un ministre de la guerre. Les Feuillants, maltraités par la cour, pour qui ils avaient tant fait, La Fayette repoussé par elle des élections municipales, s’étaient coalisés pour lui imposer comme ministre M. de Narbonne, amant de Madame de Staël. Celle-ci, depuis le départ de Mounier et de Lally, représentait par le talent le parti anglais, semi-aristocratique, celui qui voulait les deux chambres. — Robespierre, avec son imagination prodigieusement défiante et crédule à force de haine, s’empressa de croire que ses rivaux, les Girondins, étaient en accord avec le parti feuillant et anglais. L’un et l’autre parti, il est vrai, voulaient la guerre, mais avec cette différence : les Feuillants pour relever le trône, la Gironde pour le renverser.

3o Le troisième point, qui peut sembler hypothé-