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Il éclate, aux Jacobins, le 18 décembre, d’une manière originale, fantastique et sauvage, à laquelle cette société politique, mieux disciplinée qu’on ne croit, n’était guère habituée. Elle était présidée, ce jour-là, par le prophète de la guerre, le violent prédicateur de la croisade européenne : on voit que je parle d’Isnard. Une scène infiniment touchante (que j’ai contée au long plus haut) venait d’avoir lieu ; on avait, en présence d’un député des sociétés anglaises, intronisé dans la salle des drapeaux des nations libres, française, anglaise, américaine. Le député, accueilli comme on n’accueille qu’en France, entouré de jeunes et charmantes femmes qui apportaient en présent pour leurs frères anglais les produits de leur travail, venait de répondre avec l’embarras d’une vive émotion. Un autre présent fut apporté, celui d’un Suisse de Neuchâtel, de ce Virchaux qui, en juillet, écrivit, au Champ de Mars, la pétition pour la République. C’était une épée de Damas, qu’il offrait pour le premier général français qui vaincrait les ennemis de la liberté. Cette épée donnée par la Suisse, esclave encore et suppliante, à la Révolution française qui allait la délivrer, c’était un touchant symbole. Quarante Suisses, les pauvres Vaudois du régiment de Châteauvieux, étaient sur les galères de France, comme pour nous mieux rappeler le monde enchaîné qui espère en nous.

Isnard fut saisi d’un transport extraordinaire. Il embrassa cette épée, et, la brandissant bien haut,