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dait, en tâchant de rire : « Qu’est-ce que la république ? »

La république elle-même, en réponse à cette question, on eût pu le croire ainsi, entra dans la chambre. Je parle de Madame Roland, qui survint en ce moment avec son mari. Elle entra, jeune, vive et forte, illuminant la petite chambre de sérénité et d’espoir. Elle paraissait avoir trente ans, et elle en avait trente-six. Sous ses beaux et abondants cheveux bruns, un teint virginal de fille, d’une transparence singulière, où courait, à la moindre émotion, un sang riche et pur. De beaux yeux parlants, le nez un peu gros du bout et peu distingué. La bouche assez grande, fraîche, jeune, aimable, sérieuse pourtant dans le sourire même, raisonneuse, éloquente, même avant d’avoir parlé.

Les Roland venaient du Pont-Neuf et purent dire à leurs amis l’affiche des Cordeliers. L’initiative hardie que ceux-ci prenaient rendit cœur à Robespierre. Les voyant planter si loin en avant le drapeau de la Révolution, il pensa que les Jacobins suivraient dans la voie qui leur était propre, la défiance et l’accusation. Déjà, à l’Assemblée, dans la séance du matin, il avait jeté un mot dans ce sens.

Il ne dit rien du tout dans la séance du soir, attendit et observa. Entre neuf et dix heures, il vit que Barnave et les Lameth, déjà sûrs de La Fayette, qu’ils avaient en quelque sorte surpris le matin, entraînaient de plus Sieyès et l’ancien club de 1789. Tous ensemble, une grande masse, deux cents