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six hommes armés ; la lumière s’éteignit dans la lutte et les assassins faillirent se tuer eux-mêmes. Il échappa, se réfugia dans la conciergerie, où la lutte recommença ; enfin il eut le ventre décousu d’un coup de sabre : il fut emporté à quatre et jeté vivant dans la tour ; trois quarts d’heure après, il appelait encore tous ses meurtriers par leurs noms et demandait la charité d’une pierre ou d’un coup de fusil.

Deux femmes restaient seulement, la Auberte ou Mme Aubert, et la Ratapiole. La première, femme d’un menuisier, avait eu chez elle pour apprenti l’un des meurtriers, le jeune Belley. Dès le commencement du massacre, elle l’avait prié de la sauver. La chose était bien difficile. La Auberte était la sœur d’un maçon du parti papiste qui s’était signalé en juin et que le parti français avait mis à mort. Belley se frappa le front de la main et se frappa deux ou trois fois la tête contre le mur. « J’ai sauvé votre mari, lui dit-il, mais vous, comment puis-je le faire ?… Cachez-vous là (il la poussa au fond de la prison et derrière les bancs). Si vous passez cette nuit, vous serez sauvée. » Elle l’avait passée, cette première nuit. Mais, dans celle du lundi, elle était encore en plus grand péril.

L’autre femme, la Ratapiole, tout au contraire de la Auberte, s’était montrée très ardente pour la Révolution ; elle s’était fort remuée, en juin, de la langue et autrement. Au 16 octobre, elle avait été enlevée au hasard dans cette aveugle razzia ; elle n’avait pas