quelques-uns pourtant parvinrent à obtenir quelques prisonniers. Un de ces hommes, qui venait pour en sauver un, perdit la tête dès qu’il vit le sang, et se mit, sans savoir pourquoi, à tuer avec les autres.
Il n’y eut aucune espèce d’ordre, tout fut laissé au caprice de ces brutes que l’on avait, par une effroyable ivresse, poussés au premier degré de l’aliénation d’esprit. Quelques soldats de Jourdan espéraient d’abord leur faire faire distinction entre les personnes arrêtées le jour même et les prisonniers du 21 août, qui, se trouvant enfermés depuis cette époque, n’avaient pu certainement tremper dans la mort de Lescuyer. Ils n’obtinrent rien : hommes, femmes, tout y passa pêle-mêle. Si la seule prison des hommes eût été envahie d’abord, on aurait plus aisément peut-être sauvé celle des femmes, les bourreaux étant lassés. Malheureusement, plusieurs femmes, pour certaines haines locales, certains propos injurieux, paraissent avoir été les objets voulus, prémédités, du massacre.
Dès neuf heures et demie du soir, lorsqu’il n’y avait encore que très peu d’hommes tués, on vint à la prison des femmes ; on en tira la dame Crouzet, femme d’un apothicaire, et, dans cette même cour où le beau-frère de Duprat, l’apothicaire Mende, versait les liqueurs, elle fut barbarement assommée. C’était une toute jeune femme, des plus jolies d’Avignon, très vivante et très parlante, très attachée à la vie. Elle fit des supplications déchi-