Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/330

Cette page a été validée par deux contributeurs.

coup de politique, n’avaient pas la tête à eux. Ils prirent des mesures tout à fait contradictoires.

D’une part, voulant donner au massacre l’aspect d’une vengeance du peuple, d’une invasion fortuite, ils firent pratiquer un trou au mur des prisons, de manière que le concierge, les geôliers, pouvaient dire qu’ils n’avaient pas ouvert les portes. Elles furent ouvertes toutes grandes.

D’autre part, plusieurs des chefs vinrent expressément donner l’ordre du massacre.

L’un d’eux, le major Peytavin, se présentant dans la cour, avec le commis du journaliste Tournal, aux hommes qu’on avait rassemblés, leur dit : « Au nom de la loi, nous avons décidé d’être Français, nous le sommes ; faites votre devoir. »

Ils avaient l’air hébété et ne semblaient pas comprendre. Le commis du journaliste, pour mieux expliquer la chose, leur crie aux oreilles : « Il nous faut les tuer tous ; s’il s’en sauvait un seul, il servirait de témoin. »

Il n’y avait qu’une vingtaine d’hommes dans la cour, tous du petit peuple d’Avignon, un perruquier, un savetier, un cordonnier pour femmes, un jeune ouvrier menuisier, un maçon, etc. Sauf quelques-uns qui avaient servi quelques mois dans l’armée de Jourdan, ils n’avaient jamais eu d’armes dans les mains. Plusieurs se trouvaient là par hasard, en quelque sorte, parce qu’ils avaient aidé à amener des prisonniers. Ils étaient fort mal armés : tel avait une barre de fer, tel un sabre, un bâton durci au feu.