Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/320

Cette page a été validée par deux contributeurs.

faire le peuple, c’était le sens du billet. Mais jamais on ne put le lire ; ceux qui voulaient sa mort le couvraient de leurs huées.

Un voyageur, un étranger, un gentilhomme breton, M. de Rosily, allant, dit-on, à Marseille[1], était entré dans l’église avec la foule. Il essaya, avec un extrême péril, de sauver le malheureux. Il se jeta devant lui : « Messieurs, au nom de la loi !… » Mais on ne l’entendait plus… « Au nom de l’honneur, de l’humanité !… » Les sabres se tournaient vers lui ; d’autres le couchaient en joue ; d’autres le tiraient pour le pendre. On ne le sauva qu’en disant qu’il était juste de tuer Lescuyer d’abord.

Le pauvre Lescuyer, misérable objet du débat, n’espérant rien et voyant son avocat même en si grand danger, se lève brusquement de la stalle, court à l’autel… Un homme compatissant lui montrait derrière une porte où s’échapper. Mais, à ce moment, un ouvrier taffetassier lui assène un coup si raide que le bâton fut brisé et vola en deux. Il tomba juste où l’on voulait, au marchepied de l’autel.

Le trompette de la ville entrait au moment même, sonnait pour faire faire silence, publier

  1. Ce Breton du Morbihan, qui se trouve là par hasard allant à Marseille, comme au siège de Carpentras les officiers français se trouvent là par hasard, en passant vers l’Italie, était-il un agent des prêtres et nobles de la Bretagne, lequel, toutefois, prévoyant l’effet terrible de la mort de Lescuyer, voulait en le sauvant sauver son propre parti ? — Ou bien sa présence fût-elle vraiment fortuite, son intervention un pur effet d’une humanité généreuse ? Il est impossible de voir clair dans cette question obscure.