effraya le peuple d’Avignon d’un signe terrible : son image, dans l’église des Cordeliers, se mit à rougir, ses yeux s’allumèrent de pourpre sanglante, elle semblait entrer en fureur. Les femmes y venaient en foule, peureuses et curieuses, pour voir, et elles n’osaient regarder.
Les hommes, moins superstitieux, auraient peut-être laissé la Vierge rougir à son aise. Mais un bruit se répandit qui les émut davantage. Un grand coffre d’argenterie d’église avait passé dans la ville. On le dit, on le répéta, et ce ne fut plus un coffre, ce furent dix-huit malles toutes pleines, qui, la nuit, avaient été transportées hors de la ville. Et que contenaient ces malles ? Les effets du Mont-de-piété, que le parti français, disait-on, allait emporter avec lui. L’effet fut extraordinaire. Ces pauvres gens, qui, dans une si grande misère, avaient engagé tout ce qu’ils avaient, petits joyaux, meubles, guenilles, se crurent ruinés. « Il n’y a qu’une chose à faire, leur dit-on, c’est de s’emparer des portes de la ville et des canons qui s’y trouvent, d’arrêter, s’ils veulent sortir, Lescuyer, Duprat, Mainvielle et tous nos voleurs. » C’était le dimanche matin (16 octobre), une foule de paysans étaient venus dans Avignon, tous armés ; on ne marchait pas autrement dans ces campagnes. La chose fut faite à l’instant, les portes occupées ; les royalistes constitutionnels, profitant de ce grand mouvement papiste, prirent les clés de la ville et coururent à Sorgues les porter à l’abbé