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l’auteur ; je parle de La Fayette. Il venait s’excuser à l’Assemblée ; Barnave et Lameth, ses anciens ennemis, s’empressèrent d’aller au-devant et de le justifier ; bien plus, ils réclamèrent pour lui, accusé et suspect, la plus haute confiance, le firent charger d’exécuter les mesures qui seraient ordonnées. Ils s’emparèrent ainsi de lui, l’entraînèrent, le lièrent. Ce fut alors, comme toujours, l’invariable destinée de cet excellent républicain d’être mystifié par les royalistes.

Les constitutionnels, entrant dans ce travail impossible de refaire la royauté, allaient se trouver justement en contradiction avec eux-mêmes. Il n’y avait pas trois mois que, dans une discussion mémorable, soutenue par Thouret avec un caractère de force et de grandeur qui n’appartient qu’à la raison, l’Assemblée avait décidé que la royauté était une fonction publique, qu’elle avait des obligations et qu’une sanction pénale devait consacrer ces obligations. Thouret, suivant inexorablement la droite ligne logique, en avait fini avec les rois dieux, les rois messies, comme il dit lui-même. La ténébreuse doctrine de l’incarnation royale, prolongée au delà de toute probabilité, par delà les temps barbares, en plein âge de lumière, avait péri ce jour-là (28 mars 1791).

L’Assemblée avait décrété : « Si le roi sort du royaume, il sera censé avoir abdiqué la royauté. » Elle voulait maintenant éluder son propre décret. Les meneurs, qui s’étaient récemment rapprochés de