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chefs du parti français « traîtres à la patrie ».

Tout ce parti n’avait qu’une chose à attendre, d’être partout massacré. Une scène immense d’assassinats allait s’ouvrir, par le décret de la Constituante. Elle-même frémit devant son œuvre, recula. Le 24 mai, elle accorda, par humanité, l’envoi de quelques troupes et de trois médiateurs pour désarmer les partis.

Les médiateurs n’étaient nullement les hommes imposants qui, jetés dans cette tempête, en auraient dominé les flots. C’étaient trois hommes de lettres, écrivains agréables de l’ancien régime, connus par des productions légères et galantes : l’un par ses Amours d’Essex, l’autre par ses Poésies fugitives, l’abbé par une traduction gracieuse de Daphnis et Chloé. Loin de pouvoir rien arrêter, ils furent emportés, comme paille, dans le brûlant tourbillon. Les dames d’Avignon les saisirent sans difficulté et s’en emparèrent. Sans être belles comme celles d’Arles, elles sont diaboliquement vives, adroites et jolies. Nulle part, ni en France ni en Italie, la physionomie n’est si expressive, la passion si impétueuse. Ce sont les filles du Rhône ; elles en ont tous les tourbillons ; comme lui elles sont à la fois tyranniques et capricieuses. Ce sont les filles de l’air, du vent, qui rase la ville, ce vent fixe à l’agitation, mais tantôt vif, sec, agaçant et crispant les nerfs, tantôt lourd, fiévreux, portant avec lui un trouble passionné. Une tête étrangère résiste peu au triple vertige des eaux, du vent, des regards ardents et mobiles. Une chose