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petite Rome du Rhône se mettait, pour son coup d’essai, à l’avant-garde du monde dans la guerre de la liberté.

C’étaient des jeunes gens surtout, on n’a pas besoin de le dire, qui parlaient ainsi ; c’étaient spécialement ceux que nous avons déjà nommés, Duprat aîné, Mainvielle, et Rovère, trois hommes qui frappaient tout d’abord par la beauté, l’énergie, la facilité méridionale. Seulement ils avaient quelque chose d’étrange et de discordant. Tous trois, outre leur violent fanatisme, étaient furieux d’ambition, mais chacun à leur manière. Duprat, sous formes modérées, ex-secrétaire de M. de Montmorency, habitué à se contenir ; mais il avait un besoin terrible de pouvoir, une âme de tyran, impérieuse, au besoin atroce. Tout ce qu’il avait au dedans, les autres l’avaient en dehors. Rovère était le mouvement, Mainvielle la tourmente et l’orage. Le premier, d’une figure noble et militaire, actif, intrigant, avait fait son chemin sous l’ancien régime ; garde du pape, il s’était dit des illustres Rovère d’Italie, avait fait un riche mariage, acheté un marquisat ; la Révolution venue, il avait prouvé que son grand-père était boucher. Aidé d’abord des Girondins, il quitta bientôt la Gironde ; ardent Montagnard, puis Thermidorien et zélé réactionnaire, il fut victime en fructidor de ses variations rapides et alla mourir au désert de Sinamary.

Des trois le plus jeune, Mainvielle, était peut-être le plus sincère, le plus violemment convaincu. En