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rejoint : « Quel malheur, dit-il, qu’à cette heure l’Assemblée ne soit pas réunie encore ! » Le président appuya. Tous deux montrèrent à La Fayette le roi ralliant les émigrés, amenant les Autrichiens, la guerre civile, la guerre étrangère : « Eh bien, dit La Fayette, pensez-vous que le salut public exige le retour du roi ? — Oui. — J’en prends la responsabilité. » Il écrivit un billet portant « que les ennemis de la patrie ayant enlevé le roi, il était ordonné aux gardes nationaux de les arrêter ».

La Fayette n’eût guère pu refuser sans confirmer l’opinion, générale au premier moment, qu’il était de connivence, qu’il avait favorisé l’évasion. Il crut, au reste, qu’à cette heure le roi ne pouvait être rejoint. Son aide de camp, Romeuf, qui sans doute avait sa pensée, partit, mais d’abord courut sur une route tout autre que celle du roi ; il fut rejoint, remis dans le chemin par l’autre envoyé, Baillon, qui le força d’accélérer sa route vers Varennes. Il n’avait nulle volonté d’arriver, et comptait bien courir en vain ; c’est ce qu’il dit lui-même à MM. de Choiseul et de Damas.

Le mot d’enlèvement, écrit d’abord dans cet ordre de La Fayette, fut avidement saisi par les Barnave et les Lameth, par les constitutionnels en général, pour innocenter le roi et sauver la royauté. Ils se précipitèrent, tête baissée, par cette porte qu’on leur ouvrait. Ce mot fut employé par Regnault de Saint-Jean-d’Angely, qui fit décréter par l’Assemblée qu’on poursuivrait ceux qui enlevaient le roi. On adopta le mot, qui semblait tout un système, et l’on adopta