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flamme s’élever sur l’Océan. Saint-Domingue était en feu.

Digne fruit des tergiversations de la Constituante, qui, dans cette question terrible, flottant du droit à l’utilité, semblait n’avoir montré la liberté aux malheureux noirs que pour la leur retirer ensuite et ne leur laisser que le désespoir. Un mulâtre, un jeune homme héroïque, Ogé, député des hommes de couleur près de l’Assemblée, ayant emporté de France les premiers décrets, les décrets libérateurs, avait sommé le gouverneur d’appliquer la loi. Poursuivi, livré par les autorités de la partie espagnole de Saint-Domingue, il fut barbarement roué vif. Une sorte de Terreur suivit ; les planteurs multiplièrent les supplices. Une nuit, soixante mille nègres se révoltent, commencent le carnage et l’incendie, la plus épouvantable guerre de sauvages qu’on ait vue jamais.

L’autre événement, moins grave matériellement, mais terrible, tout près de nous, contagieux pour le Midi, et qui pouvait commencer l’éruption d’un vaste volcan, fut la tragédie d’Avignon.

La contre-révolution venait d’y frapper le coup le plus audacieux. Le dimanche (16 octobre 1791), elle fit assommer par la populace, au pied de l’autel, Lescuyer, un Français, le chef du parti français contre les papistes. Le crime de cet homme, nullement violent et le plus modéré de son parti, était d’avoir commencé la vente des biens des couvents, et, comme magistrat, demandé aux prêtres le serment civique. Un miracle de la Vierge avait poussé le