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d’avoir été trop loin. Toute la nuit, du 5 au 6, les députés, pris un à un, entourés, priés, séduits par les femmes, par les intrigants, par les hommes de réputation et d’autorité, leurs aînés de la Constituante, furent tournés et convertis. On leur dit que le roi, si l’on maintenait le décret, n’ouvrirait point la session, qu’il enverrait ses ministres. Fallait-il devant l’Europe laisser paraître d’une manière si éclatante la discorde des pouvoirs publics ? L’Assemblée, toute changée au matin, défit son œuvre de la veille. Elle ne rapporta pas le décret, mais en décréta l’ajournement.

Grande joie chez les royalistes, insolente. Ils passent tout à coup de la crainte à la menace. Royou, dans l’Ami du Roi, fit ressortir avec dédain l’inconséquence de l’Assemblée, lui donna une leçon dont elle profita depuis : « Toute autorité qui mollit est perdue. On ne peut ni respecter ni craindre un pouvoir qui retire aujourd’hui la loi qu’il a faite hier. »

Ce fol esprit de provocation ne s’en tint pas aux paroles. Il y avait alors dans les officiers nobles de la garde nationale, dans la garde constitutionnelle du roi qu’on travaillait à former, beaucoup de bretteurs, des gens qui, sûrs de leur adresse, allaient insultant tout le monde. La cour aimait beaucoup cette espèce d’hommes, qui lui faisait chaque jour une quantité d’ennemis. L’un d’eux, un M. d’Ermigny, officier de la garde nationale, fit un acte infiniment grave. Le 7, jour de la séance royale, au matin, il entre dans la salle : il y avait encore peu de députés ;