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pensée, formulé ses instincts obscurs, eût rendu fixe et permanent le sentiment si juste qu’elle avait à ce moment de la fin de la royauté.

Les politiques attendirent, hésitèrent, et le moment fut manqué. Un sentiment non moins naturel reprit force, au retour du roi, la pitié pour son malheur. On ne pouvait le refaire comme roi ; on le restaura, comme homme, dans l’intérêt et la sympathie, en le ramenant captif, humilié, infortuné. Tel fut l’entraînement des âmes généreuses et tendres ; elles ne virent plus, à travers les larmes, le roi double et faux, elles virent un homme résigné, et elles s’en firent un saint : la réalité s’obscurcit pour elles derrière la douloureuse légende qu’elles trouvaient dans leur cœur navré. Qui eut tort ? La France innocente, et non plus le roi coupable.

Oh ! qui eût suivi la courageuse inspiration qui dicta La France libre à Camille Desmoulins, en 1789, il aurait sauvé la France !… Dans cet immortel petit livre, rayonnant de jeunesse et d’espoir, avec tout le soleil du 14 juillet, la prêtrise et la royauté ne sont plus traitées comme choses vivantes, mais pour ce qu’elles sont, deux néants, deux ombres (et qui s’amuserait alors à frapper dessus ?…), deux ombres qui vont se cacher, qui s’enfoncent au couchant. Et à l’horizon se lève la réalité de la république, en qui sont désormais la vie, la substance.

On avait le bonheur de voir le roi partir, mais ce n’était pas assez ; il fallait lui donner des chevaux pour aller plus vite ; et lui donner encore, de peur