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elle tomberait la tête en bas, comme un oiseau étourdi, dans les pattes des renards. Engourdie, peureuse, énervée de corruption et de mensonges, elle finirait par se laisser faire. Et alors, insinuaient finement les Kaunitz et les Mercy, on pourra faire davantage. La révolution de Pologne sera écrasée alors ; la Russie, ayant la proie dans les dents, ne mordra pas l’Allemagne. L’empereur et le roi de Prusse seront bien à même d’agir plus directement.

Ceci fait comprendre à merveille les contradictions apparentes. La reine, à Kaunitz, à Barnave, répondait également : Oui. Tous deux disaient : Constitution. Seulement, pour le second, la constitution était le but où la France devait s’asseoir dans la liberté ; pour Kaunitz, c’était le circuit par lequel elle devait se promener, se fatiguer, pour arriver, lasse et rendue, au repos du despotisme.

Cette équivoque explique tout. Le ministère de la marine se trouvant vacant, la cour choisit pour ministre un contre-révolutionnaire hypocrite, Bertrand de Molleville ; et le roi, la reine, à sa première audience, lui déclarèrent qu’il fallait suivre la constitution, rien que la constitution. Dumouriez ayant cependant envoyé un mémoire au roi dans ce sens, le mémoire fut mal reçu. Le frère de Mme Campan, agent français à Pétersbourg, écrivant à sa sœur qu’il était vraiment constitutionnel, la reine, qui vit la lettre, dit que « ce jeune homme était égaré », que sa sœur devait lui répondre avec d’adroits ménagements. La pensée réelle de la cour, ici trahie par