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de voir la France non pas décapiter son roi, comme ils avaient fait du leur, mais, ce qui était plus fier, l’absoudre et lui pardonner. Cette indignation, en réalité, couvrait une crainte secrète : la France gravitait à la république. Que serait-ce de la vieille Europe, en présence de ce phénomène, une république colossale, jeune, audacieuse, qui voudrait faire le monde semblable à soi ? Les constitutionnels qui dirigeaient alors la reine se faisaient fort, près des Anglais, d’empêcher cet événement. L’amie de la reine venait dire à l’Angleterre que toute l’ambition de la France était de la copier ; que la Révolution française, amendée et repentante, allait, dans la revision, marcher en arrière et rapprocher sa constitution de l’éternel modèle, la sage constitution anglaise. Pitt répondit à ces avances, avec une sincérité farouche, que certes l’Angleterre ne souffrirait pas que la France devînt république, qu’elle sauverait la monarchie. Rien au monde ne put lui faire dire qu’il sauverait le monarque.

Ce qui convenait à l’Angleterre ainsi qu’à l’Autriche, c’était que la France fût faible, impuissante, flottante dans l’état bâtard d’une monarchie quasi anglaise. Sous un despote, elle était forte ; et république, elle était forte. Avec l’unité de principe, la simplicité de gouvernement, elle devenait formidable. C’est ce qui faisait croire aux constitutionnels (Barnave le dit expressément) que la France constitutionnelle, comme ils la voulaient, tout occupée à l’intérieur de chercher un balancement impossible