de magistrats, incessamment renouvelés, oblige tout le monde à son tour à devenir magistrat ? C’est là, en effet, la grandeur de la constitution de 1791 ; laissant la puissance publique très faible, il est vrai, serrant très peu le lien politique, restreignant peu, contraignant peu, elle fait par cela même un appel immense à la moralité individuelle. Loi aimable et confiante, elle somme tous les hommes d’être bons et sages, elle compte sur eux. Par son imperfection même et par son silence, la loi dit à l’homme : « N’as-tu pas, dans ta raison, déjà une loi intérieure ? Sers-t’en pour me suppléer, au besoin, et deviens ta loi… Tu n’es plus un malheureux serf, qui peut renvoyer à son maître le soin de la chose publique ; elle est tienne, c’est ton affaire. À toi de la défendre et la gouverner ; à toi d’être, selon ta force, la providence de l’État. »
Cet appel muet fut bien entendu. Ce ne fut pas moins que l’éveil de la conscience publique dans l’âme de l’individu. Une inquiète sollicitude de l’intérêt de la patrie, de celui du genre humain, remplit tous les cœurs. Tous se sentirent responsables pour la France, et elle-même pour le monde. Tous furent prêts à défendre, en la Révolution, au prix de leurs vies, le trésor commun de l’humanité.
Voilà la pensée, sainte et guerrière, des élections de 1791. Elles furent le fait de la France, et non pas spécialement le résultat des intrigues jacobines, comme on l’a tant répété. Les résultats le montrent assez. L’Assemblée, comme la France, se déclara