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l’ennemi, le centre (volontaire ou involontaire) de tous les ennemis, intérieurs, extérieurs.

Et le but où ce livre marche, c’est le salut de la France, au 10 août, par le renversement du trône.

La France qui lit, jase et discute, s’était déjà bien dépensée en paroles ; elle se souciait peu d’agir, elle aimait mieux ne pas voir les dangers de la situation ; ingénieuse à se tromper, elle parvenait à croire que la guerre ne viendrait pas.

Mais la France qui ne lit point (c’est à peu près tout le monde), celle qui parle moins, qui travaille, n’ayant pas les mêmes moyens de se faire illusion, n’imagina pas que la chose pût être mise en question ; elle croyait depuis longtemps à la guerre, elle y crut plus fermement encore et s’y prépara. Depuis Varennes, elle demandait universellement des fusils ; au défaut, elle se mit, dès janvier, à forger des piques.

L’impression de la fuite du roi, sa désertion à l’ennemi, ce grand fait, ce fait capital, d’une signification décisive, put s’obscurcir pour le public oisif et causeur qui se repaît chaque jour de petites nouveautés. Mais pour la grande France, travailleuse et silencieuse, le même fait resta tout nouveau, présent, menaçant. Cette France, en faisant sa moisson, son labour, n’eut rien autre chose à l’esprit, et si une pierre heurta le soc, arrêta parfois la charrue, ce fut toujours cette pierre dressée sur chaque sillon.

Ils n’étaient pas assez savants pour se dire :