Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de dire ici que, dans l’Est et le Nord, en se rapprochant des frontières, dans ces pays où Louis XVI eut amené l’ennemi, l’indignation fut généralement plus violente qu’à Paris même. La moisson était sur pied, et le paysan furieux du danger qu’elle avait couru. Dans le Midi, plusieurs villes, Bordeaux en tête, montrèrent un élan admirable. Quatre mille dames de Bordeaux, toutes mères, jurèrent de mourir, avec leurs époux, pour la nation et la loi. La Gironde écrivit : « Nous sommes quatre-vingt mille, tout prêts à marcher. » Dans l’Ouest, les villes, peu assurées des campagnes, eurent de grandes alarmes. On supposa que le roi n’avait pas fait une telle démarche sans avoir laissé derrière lui des embûches inconnues. Dumouriez, qui alors commandait à Nantes, décrit l’émotion de cette ville à la grande nouvelle, qu’on reçut de nuit. Il y avait quatre à cinq mille personnes en chemise sur la place, qui avaient l’air consterné. « La nation n’en reste pas moins », dit-il, et il écrivit à l’Assemblée qu’il marchait à son secours. Les Nantais se rassurèrent si bien que la nouvelle contraire, celle du retour de Louis XVI, produisit plutôt sur eux une sensation fâcheuse.

En rapprochant tous ces détails, nous n’hésitons pas à dire, contre l’opinion commune, que si, le 21 juin, l’Assemblée, saisissant le moment de l’indignation générale, eut proclamé la déchéance du roi, eût avoué et franchement nommé le gouvernement qui, de fait, existait déjà, le gouvernement