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l’ordonne, les demoiselles Duplay, sans rien dire, priaient aussi de leurs beaux yeux. Robespierre, malgré sa réserve naturelle, vit bien qu’il fallait accepter. Le lendemain il voulut partir, mais son impérieuse hôtesse ne le permit pas. Il finit par demeurer dans cette famille, élut domicile chez le menuisier, sentant que sa popularité ne pouvait qu’y gagner beaucoup. Fortuit ou non, l’événement eut sur la destinée du plus calculé des hommes une notable influence.

Pendant qu’il soupait paisiblement chez Duplay, Madame Roland le cherchait chez lui. On répandait le bruit qu’il allait être arrêté. Par un noble mouvement, elle partit le soir avec son mari, alla chez Robespierre au fond du Marais, pour lui offrir un asile. Déjà elle avait reçu Robert et sa femme, plus directement compromis. Quoiqu’il fût près de minuit, avant de rentrer chez eux, rue Guénégaud, les Roland allèrent chez Buzot, qui demeurait assez près, quai des Théatins (quai Voltaire) ; ils le conjurèrent d’aller aux Feuillants, d’y défendre Robespierre, avant qu’on y dressât son acte d’accusation qu’eût sans doute voté l’Assemblée. L’ardent intérêt de Madame Roland put donner un peu de jalousie à Buzot, l’un de ses plus passionnés admirateurs ; cependant sa générosité naturelle ne lui permit pas d’hésiter : « Je le défendrai à l’Assemblée, dit-il ; quant aux Feuillants, Grégoire y est, et il parlera pour lui. » Il ne cacha pas l’opinion peu favorable qu’il avait de Robespierre, dit qu’il le trouvait au fond ambitieux,