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pagnaient leurs femmes et n’avaient rien de menaçant ni de suspect. La sécurité était si grande que plusieurs de nos compagnies mirent leurs fusils en faisceaux, et que, poussés par la curiosité, quelques-uns d’entre nous allèrent jusqu’au milieu du Champ de Mars. Interrogés à leur retour, ils dirent qu’il n’y avait rien de nouveau, sinon qu’on signait une pétition sur les marches de l’autel de la Patrie.

« Cet autel était une immense construction, haute de cent pieds ; elle s’appuyait sur quatre massifs qui occupaient les angles de son vaste quadrilatère et qui supportaient des trépieds de grandeur colossale. Ces massifs étaient liés entre eux par des escaliers dont la largeur était telle qu’un bataillon entier pouvait monter de front chacun d’eux. De la plateforme sur laquelle ils conduisaient s’élevait pyramidalement, par une multitude de degrés, un terre-plein que couronnait l’autel de la Patrie, ombragé d’un palmier.

« Les marches pratiquées sur les quatre faces, depuis la base jusqu’au sommet, avaient offert des sièges à la foule fatiguée par une longue promenade et par la chaleur du soleil de juillet. Aussi, quand nous arrivâmes, ce grand monument ressemblait-il à une montagne animée, formée d’êtres humains superposés. Nul de nous ne prévoyait que cet édifice élevé pour une fête allait être changé en un échafaud sanglant.

« La population qui remplissait le Champ de Mars ne s’était nullement inquiétée de l’arrivée de nos