Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/163

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cauld, Talleyrand, Beaumetz, Pastoret, tremblent d’avoir tant attendu, ils blâment les lenteurs de la municipalité : « Nous voilà, disent-ils, compromis à l’égard de l’Assemblée. »

Cependant la troupe soldée, les Hullin et autres, frémissait dans la Grève. Ces Gardes-françaises, dont beaucoup étaient des vainqueurs de la Bastille, étaient furieux dès longtemps, exaspérés contre les journaux, les agitateurs démocrates, qui les appelaient mouchards de La Fayette. Ils attendaient impatiemment le jour de laver cela dans le sang. Ce fut chez eux un cri de joie, quand ils virent aux fenêtres de l’Hôtel de Ville, qu’ils ne quittaient pas des yeux, arborer le drapeau rouge.

Le pauvre Bailly, fort pâle, descend à la Grève. L’astronome infortuné, après une vie tout entière passée dans le cabinet, se voit, par la nécessité, poussé à mener cette bande furieuse à verser le sang. Image de la fatalité, on voyait pourtant qu’il ne craignait rien ; il avait, de longue date, sacrifié sa vie. Au jour même, au jour triomphant du 23 juillet 1789, où il se laissa nommer maire, où Hullin lui donna le bras pour aller à Notre-Dame, Bailly, entouré de soldats, s’était dit : « N’ai-je pas l’air d’un prisonnier qu’on mène à la mort ? » Il avait bien l’air d’y aller le 17 juillet 1791. Il portait sur le visage le mot que lui lance un journal du temps : « Ce jour vous versera un poison lent jusqu’au dernier de vos jours. »

Depuis une heure environ, la générale était battue