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La reine haïssait Monsieur, l’homme qui avait le plus travaillé, le mieux réussi à la perdre de réputation ; et pourtant elle fait ici cet effort de lui faire donner les pouvoirs du roi. Qui donc a cette puissance de lui faire dominer sa haine ? Une haine plus grande encore et le désir de se venger.

A-t-elle trompé Barnave, quand elle semblait, à Meaux, l’écouter docilement ? Non, elle était, je crois, sincère ; elle lui reviendra tout à l’heure ; ce qui n’empêche nullement que dans l’intervalle elle ne regarde ailleurs, vers l’émigration et vers l’étranger.

Elle souffrait infiniment de la surveillance vexatoire dont elle était alors l’objet. Les gardes nationaux, qui avaient vu, le 21 juin, l’effrayante responsabilité qu’on prenait devant le peuple en se chargeant de garder la famille royale, fuyaient d’abord les Tuileries et refusaient absolument d’y reprendre ce dangereux poste ; ils n’y avaient consenti qu’en obtenant la consigne de garder à vue, de nuit et de jour. De là une foule de scènes risibles, si elles n’eussent été cruelles. Leur inquiétude était la reine surtout ; ils avaient de ses ruses une idée terrible, ils n’étaient pas éloignés de croire que la fée (elle l’avait dit en riant avant Varennes) pourrait bien partir en ballon. Se souvenant que Gouvion, la nuit du 21 juin, gardait fort inutilement la porte de la chambre à coucher, ils exigèrent que cette porte fût toujours ouverte, de manière à voir la reine à sa toilette