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petits. Marat et Robespierre sont jugés, et les Jacobins estimés à leur valeur. Vous avez résolu ce problème difficile, celui que je me proposais à moi-même, quand je me demandais ce que devait être une Histoire de la Révolution : être révolutionnaire plus qu’aucun de ceux qui ont figuré dans le drame, et cependant être plus modéré que Danton et les Girondins, plus judicieux que les Constituants, plus ami du peuple que Fréron et Marat, plus puritain que Robespierre. Ce but, dans mon opinion, vous l’avez pleinement atteint.

Mon ami et compatriote Bailly vous aura peut-être dit que je m’occupais d’un travail ayant pour titre : Pratique des Révolutions. Il faut vous dire tout de suite que cette Pratique n’est point, comme vous l’auriez pu croire, un ouvrage de haute érudition ; ma vie, mes études, mes moyens, me rendent impossibles des travaux de cette nature. Ce que j’ai entrepris sous le nom de Pratique, c’est la démonstration, à l’aide des faits les plus authentiques, les plus communs, de cette vérité capitale, si magnifiquement énoncée dans je ne sais plus quel endroit de votre livre, à propos de la culpabilité de Louis XVI. Une nation est autre chose qu’une collection d’individus, c’est un être sui generis, une personne vivante, une âme consacrée devant Dieu.

Ce que je cherche donc, vous le comprenez maintenant, Monsieur, c’est la démonstration de ce grand être, ce sont les lois de sa vie, les formes de sa raison, c’est en un mot sa psychologie. La nature de mon esprit et la médiocrité de mes ressources scientifiques et littéraires ne me permettent pas les entreprises de découverte telle qu’est et que sera, j’espère, jusqu’à la fin, votre Histoire. Je ne puis qu’analyser et approfondir ce que d’autres ont constaté et mis en lumière ; ma spécialité, comme ma méthode, est la dissection des faits et le dégagement de leur contenu.

Chose singulière ! ce spiritualisme transcendant, qui vous domine et qui m’obsède, est totalement inconnu à nos tartufes de religiosité, à nos écrivains ecclésiastiques, à tous nos philosophes universitaires. C’est un homme, réputé ennemi personnel de Dieu, venant à la suite d’un historien adversaire de l’Église, qui s’apprête à jeter dans le monde cette idée grandiose de l’âme des peuples et de l’âme de l’humanité ! Peut-être, au reste, avez-vous parlé de l’abondance de votre poésie plutôt que de la compréhension de votre intelligence, peut-être n’avez-vous dit qu’en figure ce que je prends au positif ; c’est ce que plus