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L’auteur en vous a encore un mérite : c’est le courage ; il en faut beaucoup pour être aussi sincère, aussi juste. C’est ainsi qu’on donne une grande autorité morale à des travaux littéraires, et c’est ainsi qu’à tant de glorieux titres accumulés sur vous, vous méritez qu’on ajoute celui de grand citoyen.

BÉRANGER.
Passy, 24 novembre 1847.

Quatre ans plus tard, voici la lettre que je recevais de Proudhon :

Conciergerie, 11 avril 1851.
Monsieur,

J’ai reçu en son temps l’envoi précieux dont vous avez bien voulu m’honorer des quatre premiers volumes de votre Histoire de la Révolution, je les ai lus aussitôt avec un empressement extrême et une satisfaction extraordinaire.

Je viens, en vous faisant mes remerciements, vous exprimer mon admiration, non seulement pour l’écrivain, mais surtout pour le penseur et le juge.

Enfin, enfin la Révolution française sort de la légende, du roman, du factum et du pamphlet ; elle arrive à l’histoire ; il semble que ce soit de ce jour qu’elle se répand sur le monde. Je la rêvais telle à peu près que vous me la montrez ; j’avoue que je ne la comprenais guère. Accoutumé à ne céder jamais à l’entraînement de mon opinion et de mon parti, ne pensant pas que de grandes misères fussent une raison suffisante d’un si grand mouvement, j’étais comme oppressé de l’insuffisance juridique de nos narrateurs ; je me disais que la Révolution avait encore plus à se plaindre de ses apologistes que de ses calomniateurs. J’avais maudit cet esprit de secte qui venait de nouveau flétrir la grandeur d’âme de nos pères, et remettre en doute la justice de leur cause, en faisant pivoter toute la série du mouvement sur l’influence d’un club et la pensée d’un tribun.

Enfin vous avez, j’ose le dire, réhabilité la Révolution. Grâce au ciel la voilà débarrassée, rendue insolidaire de ses meneurs ; les Sieyès, les Mirabeau, les Barnave, les Girondins, et Danton et la Montagne, ne sont plus que des hommes souvent fort