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semence de la liberté sur tout le chemin. Le digne homme croyait trouver dans Bancal un auxiliaire utile, un nouveau missionnaire, dont la parole douce et onctueuse ferait des miracles. Habitué à voir l’assiduité désintéressée du jeune Lanthenas près de Madame Roland, il ne lui venait pas même à l’esprit que Bancal, plus âgé, plus sérieux, pût apporter dans sa maison autre chose que la paix. Sa femme, qu’il aimait pourtant si profondément, il avait un peu oublié qu’elle fût une femme, n’y voyant que l’immuable compagnon de ses travaux. Laborieuse, sobre, fraîche et pure, le teint transparent, l’œil ferme et limpide, Madame Roland était la plus rassurante image de la force et de la vertu. Sa grâce était bien d’une femme, mais son mâle esprit, son cœur stoïque était d’un homme. On dirait plutôt, à regarder ses amis, que, près d’elle, ce sont eux qui sont femmes : Bancal, Lanthenas, Champagneux, ont tous des traits assez doux. Et le plus femme de tous par le cœur peut-être, le plus faible, c’est celui qu’on croit le plus ferme, c’est l’austère Roland, faible d’une profonde passion de vieillard, suspendu à la vie de l’autre ; il n’y paraîtra que trop à la mort.

La situation eût été, sinon périlleuse, du moins pleine de combats, d’orages. C’était Volmar appelant Saint-Preux auprès de Julie, c’était la barque en péril aux rochers de Meillerie. Il n’y eût pas eu naufrage, croyons-le, mais il valait mieux ne pas s’embarquer.

C’est ce que Madame Roland écrit à Bancal dans