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d’attributions qu’elles réunissaient leur en donnait de grands moyens. — Leur juridiction souveraine, absolue, héréditaire, et qui n’oubliait jamais, était redoutée de tous ; les ministres, les grands seigneurs, n’osaient jamais pousser à bout des juges qui, dans cinquante ans peut-être, s’en souviendraient dans un procès pour ruiner leurs familles. — Leur refus d’enregistrement, qui leur donnait une sorte de veto contre le roi, avait au moins cet effet de donner le signal à la sédition, et, d’une manière indirecte, de la proclamer légale. — Leurs usurpations administratives, la surveillance des subsistances, dans laquelle ils s’immisçaient, leur fournissaient mille occasions de faire planer sur le pouvoir une accusation terrible. — Une partie de la police enfin était dans leurs mains, c’est-à-dire qu’ils étaient chargés de réprimer d’une part les troubles qu’ils excitaient de l’autre.

Cette puissance si dangereuse était-elle au moins dans des mains sûres et qui pussent rassurer ? Les parlementaires, au dix-huitième siècle, avaient été profondément corrompus par leurs rapports avec la noblesse. Ceux même d’entre eux qui, comme jansénistes, étaient hostiles à la cour, dévots, austères et factieux, avec toute leur morgue sauvage, n’en étaient pas moins flattés de voir dans leur antichambre le duc ou le prince un tel. Les grands seigneurs, qui se moquaient d’eux, les caressaient, les flattaient, leur parlaient chapeau bas, pour gagner des procès injustes, spécialement pour pouvoir impunément usurper les biens des communes. Les bassesses