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brigands… des brigands, c’est-à-dire de la nation, de l’Assemblée nationale.

Pour dire ces choses le 14, il fallait pouvoir, le 15, commencer la guerre civile. En effet, quelques étourdis de jeune noblesse croyaient enlever le paysan. Mais le paysan breton, si ferme, une fois en route, et ne reculant jamais, est lent à se mettre en route ; il avait peine à comprendre que l’affaire des biens d’Église, toute grave qu’elle était sans doute, fût pourtant toute la religion. Pendant que le paysan songeait, ruminait la chose, les villes ne songèrent pas, elles agirent, et sans consulter personne, avec une vigueur terrible. Toutes les municipalités du diocèse de Tréguier fondirent dans Tréguier, procédèrent, sans perdre un jour, contre l’évêque et les nobles enrôleurs, les interrogèrent, écoutèrent des témoins contre eux. L’intimidation fut telle que le prélat et les autres nièrent tout, assurèrent n’avoir rien dit, rien fait pour soulever les campagnes. Les municipalités envoyèrent tout le procès commencé à l’Assemblée nationale, au garde des sceaux ; mais, sans attendre le jugement, elles portèrent déjà une sentence provisoire : « Traître aux communes quiconque enrôlera pour les gentilshommes — et les gentilshommes eux-mêmes, indignes de la sauvegarde de la nation, s’ils tentaient de briguer un grade dans la garde nationale[1]. »

Le mandement était du 14, et cette représaille vio-

  1. Bailly, III, 209. — Duchatellier donne peu ici.