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Trop juste réaction, ces deux protestants illustres étaient membres du comité ecclésiastique et jugeaient leurs anciens juges, réglaient le sort de ceux qui bannirent, rouèrent ou brûlèrent leurs pères. Pour vengeance, ils proposèrent de voter cent trente-trois millions pour le Clergé catholique.

Rabaut Saint-Étienne était, comme on sait, fils du vieux docteur, du persévérant apôtre, du glorieux martyr des Cévennes, qui, cinquante années durant, ne connut d’autre toit que la feuillée et le ciel, poursuivi comme un bandit, passant les hivers sur la neige à côté des loups, sans arme que sa plume, dont il écrivait ses sermons au milieu des bois. Son fils, après avoir travaillé bien des années à l’œuvre de la liberté religieuse, eut le bonheur de la voter. C’est lui aussi qui proposa et fit proclamer l’unité, l’indivisibilité de la France (9 août 1791)… Noble proposition, que tous sans doute auraient faite, mais qui devait sortir du cœur de nos protestants, si longtemps, si cruellement divorcés de la patrie. L’Assemblée porta Rabaut à la présidence, et il eut l’insigne joie d’écrire à son père octogénaire cette parole de réhabilitation solennelle, d’honneur pour les proscrits : « Le président de l’Assemblée nationale est à vos pieds. »