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Les prélats firent une belle défense, héroïque. Il fallut s’y reprendre à trois fois, livrer trois batailles (octobre, décembre, avril), pour tirer d’eux ce qui n’était que justice et restitution. On put voir parfaitement où ces hommes de Dieu avaient leur vie et leur cœur : la propriété ! Ils la défendirent, comme les premiers chrétiens avaient défendu la foi !

Les arguments leur manquaient, mais non pas la rhétorique. Tantôt ils se répandaient en prophéties menaçantes : « Si vous touchez à une propriété sainte et sacrée entre toutes, toutes vont être en danger, le droit de propriété périt dans l’esprit du peuple… Le peuple va venir demain demander la loi agraire !… » Un autre disait avec douceur : « Quand on ruinerait le Clergé, on n’y gagnerait pas grand’chose ; le Clergé, hélas ! est si pauvre… endetté de plus ; ses biens, s’ils ne continuent d’être administrés par lui, ne payeront jamais ses dettes. »

La discussion avait été ouverte le 10 octobre. Talleyrand, l’évêque d’Autun, qui avait fait les affaires du Clergé et maintenant voulait faire des affaires à ses dépens, cassa la glace le premier, se hasarda sur ce terrain glissant, d’un pied boiteux, évitant le fond même des questions, disant seulement : « Que le Clergé n’était pas propriétaire, comme les autres propriétaires. »

À quoi Mirabeau ajouta : « Que la propriété était à la nation. »

Les légistes de l’Assemblée prouvèrent surabondamment : 1o que le Clergé n’était pas propriétaire