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force, le lut et dit : Il n’y a plus de roi en France. La reine le parcourt, le roi le reprend, le relit encore et le pose sur le lit où étaient les enfants. La reine avec impétuosité le rejette du lit en disant : Je ne veux pas qu’il souille mes enfants. Il s’éleva alors un murmure général parmi les municipaux et les habitants présents, comme si l’on venait de profaner la chose la plus sainte. « Je me hâtai de ramasser le décret et le posai sur la table. » (Choiseul).

Que faisait M. de Bouillé ? Comment n’arrivait-il pas ? Averti successivement par son fils, par le petit officier des hussards de Varennes, puis par les messagers pressants de Deslons, de Choiseul, comment ne franchissait-il pas rapidement ce court espace de huit lieues ?

Comment ? Il le dit lui-même et prouve parfaitement qu’il ne pouvait rien. Il était si peu sûr de ce qu’il avait de troupes, il se voyait environné de tant de villes mauvaises (c’est lui-même qui parle ainsi), menacé de Verdun, de Metz, de Stenay, de tous côtés, qu’ayant été quelque peu au-devant du roi, il revint bien vite pour s’assurer du soldat, craignant de moment en moment d’être abandonné. Et il garda près de lui son officier le plus sûr, son fils aîné, Louis de Bouillé. Et à eux deux, ayant à enlever le meilleur régiment de l’armée, le seul à vrai dire qui restât, c’était Royal-Allemand, ils ne purent le faire armer qu’en deux ou trois heures de nuit, de cette nuit terrible dont chaque minute peut-être décidait d’un siècle. Ce régiment, chauffé