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sert de commencer une entreprise impossible ? Pour faire plaisir aux prêtres qui n’en sauront aucun gré ?

Le côté voltairien, né du sol et du vin des Gaules, perpétué des fabliaux en Rabelais, de Rabelais en Molière, en Voltaire, fleurit, fleurira, cultivé des Béranger de l’avenir. Ce n’est pas, comme vous croyez, un fruit sans conséquence de la vieille gaieté bourgeoise : c’est aussi, c’est avant tout la ferme franchise gauloise, c’est la loyauté de ce peuple, c’est sa haine pour Tartufe (religieux, politique, philanthrope, peu importe).

Voltaire, un en trois personnes, dans ces trois vainqueurs de Tartufe, Rabelais-Molière-Voltaire, est, sous la variété infinie de ses formes vives et légères, malgré tel ou tel mélange accordé à l’esprit du temps, le fond même de ce peuple. Comment ? Par sa haine du faux, des vaines subtilités, des abstractions dangereuses, des scolastiques meurtrières ; et puis par son amour du vrai, du positif et du réel, par son sincère attachement à la plus certaine des réalités, la vie, par sa touchante religion pour la pauvre vie humaine, si précieuse et si prodiguée… Par son bon cœur et son bon sens, il est profondément le peuple. Personne ne les séparera, il faut bien vous y résigner. Eussiez-vous l’esprit de Voltaire, vous n’arracherez pas Voltaire de l’esprit national, ni la France de la France.