Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/516

Cette page a été validée par deux contributeurs.

premier étage, et, dans une première chambre, trouvèrent force paysans, deux entre autres armés de fourches, qui leur dirent : « On ne passe pas ! » Ils passèrent. Dans la seconde était la famille royale. Coup d’œil étrange ! le dauphin dormant sur un lit tout défait, les gardes du corps sur des chaises, ainsi que les femmes de chambre ; la gouvernante, Madame et Madame Élisabeth sur des bancs près de la fenêtre ; le roi et la reine debout, ils causaient avec M. Sauce. Sur une table étaient des verres, du pain et du vin.

Le roi : « Eh bien, Messieurs, quand partons-nous ? — Goguelat : Sire, quand il plaira à Votre Majesté. — Choiseul : Donnez vos ordres, Sire. J’ai ici quarante hussards ; mais il n’y a pas de temps à perdre : dans une heure ils seront gagnés. »

Il disait vrai. Ces hussards étaient encore dans la première surprise où la grande nouvelle les avait jetés ; ils disaient entre eux en se regardant : Der Kœnig ! die Kœniginn ! (Le roi ! la reine !) Mais, tout Allemands qu’ils étaient, ils ne pouvaient pas ne pas voir l’unanimité des Français. Ils l’avaient bien éprouvée, même dans la route écartée qu’ils venaient de parcourir avec M. de Choiseul. Il avoue que, de village en village, le tocsin sonnait sur lui ; qu’il fut obligé plusieurs fois de se faire jour le sabre à la main ; que les paysans en vinrent jusqu’à lui enlever quatre hussards qui faisaient son arrière-garde : il lui fallut faire une charge pour les dégager. Ces Allemands, qui se voyaient seuls au milieu