Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/509

Cette page a été validée par deux contributeurs.

autres postes ; mais, à Varennes, cela perdit tout.

Il passa une demi-heure à chercher dans les ténèbres, à frapper aux portes, faire lever les gens endormis. Le relais, pendant ce temps, était, de l’autre côté tenu prêt par deux jeunes gens, l’un fils de M. de Bouillé ; ils avaient l’ordre de ne bouger, pour ne donner aucun éveil ; ils l’exécutèrent trop bien. L’un d’eux eût pu cependant, sans danger, aller voir à l’entrée de la ville si la voiture arrivait, la guider ; la présence d’un seul homme sur la route, quand même on eût pu la remarquer à cette heure, dans cette nuit noire, n’aurait eu rien certainement qui fit faire attention.

L’histoire de ce moment tragique où le roi fut arrêté est et sera toujours imparfaitement connue. Les principaux historiens du voyage de Varennes n’ont rien su que par ouï-dire. MM. de Bouillé père et fils n’étaient point là ; MM. de Choiseul et de Goguelat n’arrivèrent qu’une heure ou deux après le moment fatal, M. Deslons plus tard encore. Tout se réduirait à deux mots (un de Drouet, un de Madame d’Angoulême), si M. de Valory, le garde du corps qui allait en courrier, n’eût plus tard, sous la Restauration, recueilli ses souvenirs. Son récit, un peu confus, mais fort circonstancié, porte un caractère de naïveté passionnée qui éloigne toute idée de doute ; le temps, on le sent bien, n’a eu ici sur la mémoire aucune puissance d’oubli. Toute l’existence effacée du vieillard s’est concentrée dans ce fait terrible ; les périls, l’exil, tous les malheurs person-