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libre (23 avril). Montmorin représenta en vain l’invraisemblance de la chose. Le roi insista. Le ministre dut communiquer à l’Assemblée cette pièce unique, où il notifiait aux cours étrangères les sentiments révolutionnaires de Louis XVI. Dans cette lettre ridicule, le roi, parlant de lui-même en style jacobin, disait qu’il n’était que le premier fonctionnaire public, qu’il était libre, et librement avait adopté la Constitution, qu’elle faisait son bonheur, etc. Ce langage tout nouveau, où chacun sentait le mensonge, cette voix fausse qui détonnait, firent au roi un tort incroyable ; ce qu’on avait encore d’attachement pour lui ne résista pas au mépris qu’inspirait sa duplicité.

Tout le monde jugeait qu’en même temps il écrivait un démenti. Et cela était exact. Le roi trompait Montmorin, qui trompait Lameth (comme auparavant Mirabeau) ; il fit dire en Prusse, en Autriche, que toute démarche, toute parole en faveur de la constitution devait être prise en sens opposé, et que oui voulait dire non.

Le roi avait reçu une éducation royale de M. de La Vauguyon, le chef du parti jésuite ; son honnêteté naturelle avait repris le dessus dans les circonstances ordinaires ; mais, dans cette crise où la religion et la royauté se trouvaient en jeu, le jésuite reparut. Trop dévot pour avoir le moindre scrupule d’honneur chevaleresque et croyant que celui qui trompe pour le bien ne peut trop tromper, il dépassait la mesure et ne trompait pas du tout.

L’Autriche ne semble pas avoir cru plus que la