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quand elle parlait de recourir à la protection de son frère Léopold.

La reine n’avait nulle autre chance. Elle craignait extrêmement les émigrés. Elle n’ignorait pas qu’ils agitaient la question de déposer Louis XVI et de nommer un régent. Elle voyait près du comte d’Artois son plus cruel ennemi, M. de Calonne, qui, de sa main, avait annoté, corrigé le pamphlet de Mme de Lamotte contre elle dans la vilaine affaire du Collier. Elle avait à craindre plus de ce côté que de la Révolution. La Révolution, n’en voulant qu’à la reine, ne lui eut pris que la tête ; mais Calonne eut pu faire faire le procès à la femme, à l’épouse, la déshonorer peut-être juridiquement, l’enfermer.

Elle se tint, sans variation, au plan des hommes de l’Autriche, Mercy et Breteuil. Elle amusa Mirabeau, puis Lameth, Barnave, pour gagner le temps. Il en fallait pour que l’Autriche sortît de ses embarras de Brabant, de Turquie et de Hongrie. Il en fallait pour que Louis XVI, travaillé habilement par le clergé, fit céder ses scrupules de roi aux scrupules de chrétien, de dévot. L’idée d’un devoir supérieur pouvait seule le faire manquer à ce qu’il croyait un devoir.

Le roi, s’il l’eût voulu, pouvait fort aisément partir seul, sans suite, à cheval. C’était l’avis de Clermont-Tonnerre. Ce n’était nullement celui de la reine. Elle ne craignait rien tant au monde que d’être un moment séparée du roi. Peut-être aurait-il cédé aux insinuations de ses frères contre elle. Elle profita de l’émotion qu’il eut au 6 octobre, lorsqu’il crut qu’elle