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Versailles), le grand tableau, vu si près, de plain-pied, face à face, eût été d’un effet pénible pour un homme moins fini de cœur et de sens moins amortis. Nul autre que Louis XV n’eût porté, sans en souffrir, ce triste et noble regard où se voit une révolution tout entière, cet œil plein de fatalité, qui vous entre dans les yeux.

On se rappelle que le grand maître, par une sorte de divination, a d’avance peint Charles Ier comme aux derniers jours de sa fuite ; vous le voyez simple cavalier, en campagne contre les têtes rondes. Il semble que de proche en proche il est acculé à la mer. On la voit là solitaire, inhospitalière. Ce roi des mers, ce lord des îles, a la mer pour ennemie ; devant lui, l’Océan sauvage ; derrière l’attend l’échafaud.

Ce tableau mélancolique, placé, sous Louis XVI, aux appartements du roi, dut le suivre à Paris avec le mobilier de Versailles. Nul autre ne pouvait faire plus d’impression sur lui ; il était fort préoccupé de l’histoire d’Angleterre, et très spécialement de celle de Charles Ier. Il lisait assidûment Hume et autres historiens anglais dans leur langue. Il en avait retenu ceci, que Charles Ier avait été mis à mort pour avoir fait la guerre à son peuple et que Jacques II avait été déclaré déchu pour avoir délaissé son peuple. S’il y avait une idée arrêtée en lui, c’était de ne point s’attirer le sort ni de l’un ni de l’autre, de ne point tirer l’épée, de ne point quitter le sol de la France. Indécis dans ses paroles, lent à se