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la raison), quelque déguisement qu’il prenne, jurisconsulte en 1300, théologien en 1500, philosophe au dernier siècle, il triomphe en 1791. La France, dès qu’elle peut parler, rend grâce à Voltaire. L’Assemblée nationale décrète au glorieux libérateur de la pensée religieuse les honneurs de la victoire. Elle a gagné, il a vaincu ; qu’il triomphe maintenant, qu’il revienne dans son Paris, dans sa capitale, ce roi de l’esprit. L’exilé, le fugitif, qui n’eut point de lieu ici-bas, qui vécut entre trois royaumes, osant à peine poser l’aile, comme l’oiseau qui n’a pas de nid, qu’il vienne dormir en paix dans l’embrassement de la France !

Mort cruelle ! il n’avait revu Paris, cette foule idolâtre, ce peuple qui l’avait compris, que pour s’en arracher avec plus de déchirement ! Poursuivi sur son lit de mort, même après la mort banni, enlevé la nuit par les siens, le 30 mai 1778, caché dans une tombe obscure, son retour est décrété le 30 mai 1791. Il reviendra, mais de jour, au grand soleil de la justice, porté triomphalement sur les épaules du peuple, au temple du Panthéon.

Pour comble, il verra la chute de ceux qui le proscrivirent. Voltaire vient : prêtres et rois s’en vont. Son retour est décrété, par un remarquable à-propos, lorsque les prêtres, surmontant les indécisions de Louis XVI, ses scrupules, vont le pousser à Varennes, à la trahison, à la honte. Comment, pour ce grand spectacle, nous passerions-nous de Voltaire ? Il faut qu’il vienne voir à Paris la déroute de