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Le mouvement fut spontané, sortit naturellement de l’irritation et de la misère. Des femmes se portèrent aux couvents et fouettèrent les religieuses.

Mais ensuite, selon toute vraisemblance, on exploita le mouvement : on lui donna une grande scène, une occasion solennelle. C’était le plan de la cour de compromettre, autant qu’il était possible, la Révolution devant la population catholique du royaume, devant l’Europe. Les non-conformistes louèrent de la municipalité une église dans le lieu le plus passant de Paris, sur le quai des Théatins ; là ils devaient faire leurs pâques. La foule s’y porta, comme on pouvait aisément le prévoir, attendit, fermenta dans cette attente, menaça ceux qui viendraient. Le défi anime et excite ; deux femmes se présentèrent, furent brutalement fouettées. On attacha deux balais sur la porte de l’église. L’autorité les enleva, mais ne put disperser la foule. Sieyès réclama en vain dans l’Assemblée les droits de la liberté religieuse. Le peuple, tout entier au sentiment de ses misères, s’obstinait à n’y voir qu’une question politique ; le prêtre rebelle et ses fauteurs lui apparaissaient, non sans cause, comme soufflant ici l’étincelle qui devait allumer l’Ouest, le Midi, le monde peut-être.

Avignon et le Comtat offraient déjà une atroce miniature de nos guerres civiles imminentes. La première, fortifiée de tout ce qu’il y avait d’ardents révolutionnaires à Nîmes, Arles, Orange, guerroyait contre Carpentras, le siège de l’aristocratie. Guerre barbare des deux côtés, de vieilles rancunes envenimées, de