Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/47

Cette page a été validée par deux contributeurs.

songèrent nullement à éclaircir ces questions[1].

La stérilité des Girondins ne tint pas, comme on le dit, à leur qualité de bourgeois, mais à leur fatuité d’avocats, de scribes. Les Jacobins, on le verra, furent également des bourgeois. Pas un des meneurs jacobins ne sortait du peuple.

Scribes, avocats, disputeurs, les Girondins crurent régenter le peuple par la puissance de la presse. Brissot, que j’ai appelé plus haut un doctrinaire républicain, dit dans sa lettre à Barnave : « Autant un homme libre est au-dessus d’un esclave, autant un philosophe patriote est au-dessus d’un patriote ordinaire. » Brissot ignore que l’instinct et la réflexion, l’inspiration et la méditation sont impuissants l’un sans l’autre ; que le philosophe qui ne consulte pas sans cesse les instincts du peuple reste dans une vaine et sèche scolastique ; que nulle science, nul gouvernement n’est sérieux sans cet échange de lumières.

Ces docteurs ont cru, précisément comme ceux du Moyen-âge, posséder seuls la raison en propre, en patrimoine ; ils ont cru également qu’elle devait venir d’en haut, du plus haut, c’est-à-dire d’eux-mêmes ; qu’elle tombait sur le simple peuple de la tête du philosophe et du sage.

  1. Sont-elle éclaircies aujourd’hui ? Pas encore.

    Qu’on sache bien cependant que nulle amélioration sociale n’est possible, tant que ces questions ne seront pas résolues et leur formule posée. Un essai a été fait dans ce but, faible essai, mais le premier ; c’est la deuxième partie de mon livre Le Peuple, la chose la plus sérieuse peut-être que j’aie écrite, celle qui, tout au moins, témoignera de ma bonne volonté.