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ragé. Duport y déclare qu’encore un pas, et le gouvernement n’est plus, ou, s’il renaît, ce sera pour se concentrer dans le pouvoir exécutif. Les hommes ne veulent plus obéir aux anciens despotes, mais veulent s’en faire de nouveaux, dont la puissance, plus populaire, sera mille fois plus dangereuse. La liberté sera placée dans l’individualité égoïste, l’égalité dans un nivellement progressif, jusqu’au partage des terres… Déjà visiblement on tend à changer la forme du gouvernement, sans prévoir qu’auparavant il faudra noyer dans le sang les derniers partisans du trône, etc. Puis, désignant spécialement Robespierre, il accuse le système adroit de certains hommes qui se contentent toujours de parler principes, hautes généralités, sans descendre aux voies et moyens, sans prendre aucune responsabilité, « car ce n’en est pas une de tenir sans interruption une chaire de droit naturel ».

Duport, dans sa longue plainte, partait d’une idée inexacte qu’il répéta par deux fois : « La Révolution est faite. » Ce seul mot détruisait tout. L’inquiétude universelle, le sentiment qu’on avait d’obstacles infinis à vaincre, l’insuffisance des réformes, tout cela mettait dans les esprits une réfutation muette, mais forte, d’une telle assertion. Robespierre n’eut garde de saisir la prise dangereuse que donnait son adversaire, il ne donna pas dans le piège, ne dit pas qu’il fallait continuer la Révolution. Il se tint à la question. Seulement, comme s’il eût voulu rendre une idylle pour une élégie, il revint à son premier