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d’un homme mort depuis longtemps, d’un de ces hommes qui ne meurent jamais. Mais à mesure que le jour disparut et que le convoi s’enfonça dans l’ombre doublement obscure de la nuit et des rues profondes, qu’éclairaient les lueurs des torches tremblantes, les imaginations aussi entrèrent malgré elles dans le ténébreux avenir, dans les pressentiments sinistres. La mort du seul qui fût grand mettait, dès ce jour, entre tous une formidable égalité. La Révolution allait dès lors rouler sur une pente rapide, elle allait par la voie sombre au triomphe ou au tombeau. Et dans cette voie devait à jamais lui manquer un homme, son glorieux compagnon de route, homme de grand cœur, après tout, sans fiel, sans haine, magnanime pour ses plus cruels ennemis. Il emportait avec lui quelque chose, qu’on ne savait pas bien encore, on ne le sut que trop plus tard : l’esprit de paix dans la guerre même, la bonté sous la violence, la douceur, l’humanité.


Ne laissons pas encore Mirabeau dormir dans la terre. Ce que nous venons de mettre à Sainte-Geneviève, c’est la moindre partie de lui. Restent son âme et sa mémoire, qui doivent compte à Dieu et au genre humain.

Un seul homme refusa d’assister au convoi, l’honnête et austère Pétion. Il assurait avoir lu un plan de conspiration de la main de Mirabeau.

Le grand écrivain du temps, âme naïve, jeune, ardente, qui en représente le mieux les passions, les