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s’environner de musique, afin d’entrer agréablement dans ce sommeil dont on ne se réveille plus. » Il appela son valet de chambre : « Allons, qu’on se prépare à me raser, à faire ma toilette tout entière. » Il fit pousser son lit près d’une fenêtre ouverte pour contempler sur les arbres de son petit jardin les premiers indices de la feuillaison printanière. Le soleil brillait, il dit ; « Si ce n’est pas là Dieu, c’est du moins son cousin germain… » Bientôt après il perdit la parole ; mais il répondait toujours par des signes aux marques d’amitié que nous lui donnions. Nos moindres soins le touchaient ; il y souriait. Quand nous penchions notre visage sur le sien, il faisait de son côté des efforts pour nous embrasser… »

Les souffrances étant excessives, comme il ne pouvait plus parler, il écrivit ce mot : « Dormir. » Il désirait abréger cette lutte inutile et demandait de l’opium. Il expira vers huit heures et demie. Il venait de se tourner, en levant les yeux au ciel. Le plâtre qui a saisi son visage ainsi fixé n’indique qu’un doux sourire, un sommeil plein de vie et d’aimables songes.

La douleur fut immense, universelle. Son secrétaire, qui l’adorait et qui plusieurs fois avait tiré l’épée pour lui, voulut se couper la gorge. Pendant la maladie, un jeune homme s’était présenté, demandant si l’on voulait essayer la transfusion du sang, offrant le sien pour rajeunir, raviver celui de Mirabeau. Le peuple fit fermer les spectacles, dispersa