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leur reprochait ? Mais personne ne les aurait crus ; ils n’en auraient eu que la honte. Rester était difficile, partir était difficile. Pour celui qui se trouvait lié de cette sorte d’excommunication politique, rester était un supplice ; le pauvre diable d’aristocrate (baptisé ainsi à tort ou à droit) marchait sous un regard terrible ; la foule, les petits enfants, suivaient l’ennemi du peuple. Il rentrait ; la maison était peu sûre, les domestiques ennemis. La peur le gagnait ; un matin il trouvait le moyen de fuir. Cet homme, qui eût été neutre, faible indifférent, si on l’eût laissé tranquille, était jeté dans la guerre, et, s’il ne blessait de l’épée, il blessait de la langue, à coup sûr, de ses plaintes, de ses accusations, tout au moins du spectacle de sa misère, de la pitié qu’il inspirait.

La pitié, cet ennemi terrible, grandissait contre nous dans l’Europe, et la haine de la France et de la Révolution.

Haine au fond injuste. L’inquisition jacobine n’était nullement dans les mains du peuple. Ceux qui l’organisaient alors étaient les Jacobins bâtards issus de l’Ancien-Régime, nobles ou bourgeois, politiques sans principes, d’un machiavélisme inconséquent, étourdi. Ils poussaient, exploitaient le peuple, chose peu difficile dans cet état d’irritabilité, défiante et crédule à la fois, où mettent les grandes misères.

Cette situation éclata avec une extrême violence, lorsque Mesdames, tantes du roi, voulurent émigrer (fin de février). La difficulté de suivre leur culte, de garder des prêtres de leur choix, l’épreuve imminente