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égaler, jettent par moments Camille dans des sorties violentes, une émulation de colère très contraire à sa nature.

Comment l’imprimeur Prudhomme, ayant perdu Loustalot, pourra-t-il soutenir les Révolutions de Paris ? Il faut qu’il soit plus violent.

Comment l’Orateur du peuple, Fréron, l’intime ami de Camille Desmoulins et de Lucile, qui loge dans la même maison, qui aime et envie Lucile, comment peut-il espérer de briller devant l’éloquent, l’amusant Camille ?… Par le talent ? Non, mais par l’audace peut-être. Il sera violent.

Mais en voici un qui commence et qui va les passer tous. Un aboyeur des théâtres, Hébert, a l’heureuse idée de réunir dans un journal tout ce qu’il y a de bassesses, de mots ignobles, de jurons dans tous les autres journaux. La tache est facile. On crie : « Grande colère du Père Duchesne ! — Il est b… en colère, ce matin, le Père Duchesne ! » Le secret de cette éloquence, c’est d’ajouter f… de trois en trois mots.

Pauvre Marat, que feras-tu ? Ceci est une concurrence.

Vraiment, ta fureur est fade ; elle n’est pas, comme celle d’Hébert, assaisonnée de bassesses : tu m’as l’air d’un aristocrate. Il faut t’essayer à jurer aussi (16 janvier 1791). Ce n’est pas sans des efforts inouïs, et toujours renouvelés, de rage et d’outrage, que tu peux tenir l’avant-garde.

C’est un caractère du temps qui mérite d’être