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Au mois d’août 1790, lorsque Marat et Camille Desmoulins furent accusés par Malouet à l’Assemblée nationale, Camille, bientôt tiré d’affaire, alla trouver Marat et l’engagea à désavouer quelques paroles horriblement sanguinaires qui faisaient tort à la cause. Marat le lendemain conte tout dans son journal, en se moquant de Camille ; loin d’avouer que ces paroles excessives lui sont venues par entraînement, il déclare qu’elles lui semblent dictées par l’humanité ; c’est être humain que de verser un peu de sang pour éviter plus tard d’en répandre davantage, etc.

Il reproche la peur à Camille Desmoulins, qui pourtant avait montré beaucoup d’audace ; placé dans une tribune, écoutant son accusateur, à ces mots de Malouet : « Oserait-il démentir ? » il répondit tout haut : « Je l’ose. » La partie n’était pas égale entre lui, toujours au grand jour, et Marat toujours caché. Celui-ci ne se montrait que dans les rares occasions où, le ban et l’arrière-ban des fanatiques étant convoqués, il se sentait environné d’un impénétrable mur et plus sûr que dans sa cave. En janvier 1791, Marat prêchait le massacre des gardes nationales soldées ; il recommandait aux femmes La Fayette lui-même : « Faites-en un Abailard. » Un Fayettiste, qui faisait le Journal des Halles, osa l’appeler devant les tribunaux. Il sortit de ses ténèbres, vint au Palais, comparut. La chauve-souris effraya la lumière de son aspect. Il n’avait pas grand’chose à craindre. Une armée l’environnait. L’auditoire était