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que tard, et contraint par la misère ; il fut dans sa maison douze ans.

Dans cette position nouvelle, il s’interdit toute publication politique ou philosophique, revint tout entier aux sciences. Son génie belliqueux, qui n’avait pas réussi contre Voltaire et les philosophes, s’en prit à Newton. Il ne tenta pas moins que de renverser ce dieu de l’autel, se précipita dans une foule d’expériences hâtées, passionnées, légères, croyant détruire l’Optique de Newton, qu’il ne comprenait même pas[1]. Se fiant peu aux savants français, il invita Franklin à voir ses expériences. Franklin admira sa dextérité, mais ne jugea pas du fond même, et Marat, peu satisfait, se mit immédiatement à travailler contre Franklin. Il voulait ruiner sa théorie sur l’électricité, et, pour s’appuyer d’un suffrage illustre, il avait invité Volta à venir juger lui-même. Il n’eut pas son approbation.

Le physicien Charles, célèbre par le perfectionnement de l’aérostat, a raconté souvent à un de nos amis, savant très illustre, qu’il surprit un jour Marat en flagrant délit de charlatanisme. Marat prétendait

  1. Si l’on s’en rapportait au continuateur de Montucla (t. III, p. 595), on croirait que Marat ne savait même pas, en optique, ce qu’on savait avant Newton, ce que Descartes avait dit de meilleur. — Mais ce continuateur est Lalande, poursuivi par Marat, et par conséquent suspect dans son témoignage sur lui. J’ai cru devoir m’enquérir de ce que pensaient à ce sujet les plus illustres physiciens de notre époque, fort désintéressés dans cette vieille question d’histoire ; ils m’ont confirmé qu’en effet Marat n’avait pas bien compris les expériences de Newton, qu’il les avait mal jugées en les reproduisant avec des circonstances entièrement différentes, que de toutes les expériences de Marat une seule méritait attention, celle des anneaux colorés que trace la lumière diffuse autour du point de contact d’une lentille de verre et d’un métal.