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qu’un loup quand il égorge un mouton. » — Dans son livre sur l’Homme, publié en 1775, il avait déjà dit : « La pitié est un sentiment factice, acquis dans la société… N’entretenez jamais l’homme d’idées de bonté, de douceur, de bienfaisance, et il méconnaîtra toute sa vie jusqu’au nom de pitié… » (t. I, p. 165).

Voilà l’état de nature, selon Marat. Terrible état !

Le droit de prendre à son semblable, non seulement le superflu qu’il peut avoir, mais son nécessaire, mais sa chair, et de la manger.

On croirait, d’après ceci, que Marat est bien loin au delà de Morelly, de Babeuf, etc., qu’il va fonder ou la communauté parfaite ou l’égalité rigoureuse des propriétés. On se tromperait. Il dit (Constitution, p. 12) : « Qu’une telle égalité ne saurait exister dans la société, qu’elle n’est pas même dans la nature. » On doit désirer seulement d’en approcher, autant qu’on peut. Il avoue (Législation criminelle, p. 19) que le partage des terres, pour être juste, n’en est pas moins impossible, impraticable.

Marat relègue dans l’état de nature, antérieur à la société, ce droit effrayant de prendre même le nécessaire du voisin. Dans l’état de société, reconnaît-il la propriété ? Oui, ce semble, généralement. Cependant, à la page 18 de sa Législation criminelle, il semble la limiter au fruit du travail, sans l’étendre jusqu’à la terre où ce fruit est né.

Au total, comme socialiste, si on veut lui donner ce nom, c’est un éclectique flottant, très peu conséquent. Il faudrait, pour l’apprécier, faire ce que nous