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Chose remarquable, ni Robespierre, ni Marat, ni Desmoulins, n’auraient exigé le serment. Marat si intolérant, Marat qui demande qu’on brise les presses de ses ennemis, veut qu’on ménage les prêtres ; c’est, dit-il, la seule occasion où il faut user de ménagements, il s’agit de la conscience. Desmoulins ne veut nulle autre rigueur que d’ôter l’argent de l’État à ceux qui ne jurent point obéissance à l’État. « S’ils se cramponnent dans leur chaire, ne nous exposons pas même à déchirer leur robe de lin, pour les en arracher… Cette sorte de démons, qu’on appelle pharisiens, calotins ou princes des prêtres, n’est chassée que par le jeûne : Non ejicitur nisi per jejunium. »

L’exigence dure et maladroite qu’on mit à demander le serment aux députés ecclésiastiques dans l’Assemblée même fut une faute très grave du parti qui dominait. Elle donna aux réfractaires une magnifique occasion, éclatante, solennelle, de témoigner devant le peuple pour la foi qu’ils n’avaient point. L’archevêque de Narbonne disait plus tard, sous l’Empire : « Nous nous sommes conduits en vrais gentilshommes ; car on ne peut pas dire de la plupart d’entre nous que ce fût par religion. »

Il était facile à prévoir que ces prélats, mis en demeure de céder devant la foule, de démentir solennellement leur opinion officielle, répondraient en gentilshommes. Le plus faible, ainsi poussé, deviendrait un brave. Gentilshommes ou non, c’étaient enfin des Français. Les curés les plus révolutionnaires ne